Riffel continuait de se débattre comme il pouvait pour revenir à la surface. Mais sans point d’appui solide c’était compliqué. Et plus il glissait plus il cédait à la panique, voyant sa dernière heure arriver. Ce ne serait pas la première fois qu’il se voyait foutu. Mais malgré tout, jusque-là, il avait toujours su s’en sortir ; avec une arme à feu, ou l’alchimie. Mais là, rien était possible. On ne pouvait pas tuer l’eau. Et il n’avait pas de quoi transmuter. De plus, il ne connaissait pas le cercle qui le permettrait. Non, il ne voyait aucune solution, et c’était bien ce qui le faisait paniquer. Sa seule solution était de faire du bruit pour que le Frozen l’entende. Mais même cela, la paroi lisse et glissante de la baignoire l’en empêchait. Il s’était démener depuis l’âge de huit ans pour finir vaincu par une baignoire. Quelle ironie. Mais il devait bien avouer qu’il ne pouvait rien faire. Il n’entendit ni la voix du colonel ni le bruit de la porte ni qu’il approchait.
Alors que Riffel abandonnait tout combat, cessant de se débattre, il se sentit tiré hors de l’eau. Machinalement, les mains s’agrippèrent au tissu de la chemise de Corwin comme à une bouée de sauvetage. Il ne le lâcha pas une fois debout, se raccrochant à lui malgré le fait qu’il se sentait soutenu. Il toussa pour reprendre sa respiration tout en gardant la tête vers le bas. Il en cracha de l’eau également. Cette eau atterrit sur la chemise déjà trempée de Corwin. Des larmes roulèrent sur les joues de Riffel malgré lui, se mêlant à l’eau qui ruisselait sur son visage.
- J’ai glissé…
Ce n’est qu’au bout d’un long moment, nécessaire pour qu’il reprenne ses esprits, que Riffel réalisa qu’il s’était cramponné au Frozen. Il le lâcha doucement, et s’écarta de lui, chancelant. Il prit la serviette que Corwin avait apporté pour lui avant de se laisser tomber à genoux sur le sol carrelé. Il s’activa tout de même pour se sécher les cheveux. Si la modernité était si dangereuse, il n’en voulait pas. Et en ce qui concernait la toilette, il avait décidé que s’en serait finit pour ce soir. Il avait eu bien trop d’émotion pour retenter l’expérience avec l’eau.
Tout trempé, Corwin s'assurait que Riffel reprenait bien pieds avec la réalité tout en le retenant par un bras, tandis que le gamin s'agrippait à sa chemise en recrachant de l'eau. Autant dire que la salle de bain était entièrement à nettoyer après tout cela. Mais cela ne semblait pas réellement importuner le Frozen qui fixait de ses yeux gris, la victime de la baignoire. Un maigre sourire vint à marquer ses lèvres quand Riffel s'excusa en parlant du fait qu'il avait glissé. C'était le moins que l'on pouvait dire... Jamais il n'aurait pensé qu'un tel endroit deviendrait un champ de bataille. Ne bougeant pas d'un pouce, Corwin attendait simplement que son protéger du moment reprenne ses esprits. Ce dernier finit par comprendre qu'il le tenait un peu trop fermement par sa chemise, et s'écarta non sans chanceler. Un mouvement qui invita notre alchimiste d’État à tendre le bras pour l'aider à recouvrer son équilibre, mais ce dernier se laissa plutôt aller sur les genoux, attrapant sa serviette. Sans le contrarier, il se contenta de prendre une autre serviette et lui sécha les cheveux, comme le ferait un grand frère. Un geste qui était fortement familier pour notre militaire, qui conservait encore le silence.. Il avait toujours préféré les actes aux mots de toute façon. Après quelques minutes, il se recula un peu et vida la baignoire.
➽ Je vais chercher de quoi nettoyer la salle de bain. Tu devrais finir de te sécher et tu pourras t'habiller pour la nuit dans ta chambre.
Sa voix était certes monocorde, mais pas le moins du monde accusatrice. Corwin étendit le linge qu'il avait en main pour qu'il sèche un peu... et retira sa propre chemise qui lui collait à la peau.Elle le gênait dans ses mouvements. Il quitta la pièce pour aller un peu plus loin dans une sorte de petite pièce ou se trouvait de quoi faire le ménage.. et il trouva un cintre pour pendre sa chemise toute misérable. En revenant dans la salle de bain après quelques minutes seulement, le Frozen portait un seau vide... et quelques serpillières. Puis il se mit à genoux pour essuyer ici et là les flaques d'eau offertes par Riffel. Encore une fois, il ne fit aucune remontrance, en revanche, la fatigue l'avait gagné et par moment, il retenait un bâillement tout en effectuant son travail. Il eut une brève pensée pour Madame Judith dans le domaine de sa famille. Jamais elle ne l'aurait laisser faire une chose pareil. Mais ce n'est pas comme si Corwin avait appris à vivre d'une toute autre manière...
➽ J'aurais peut être dû te prévenir que le sol pouvait être glissant.
C'est là une erreur qu'il voulait bien lui concéder. Corwin aurait dû prendre plus au sérieux le manque d'expérience de Riffel, concernant cette vie moderne. Essorant le linge qu'il avait en main dans le seau, il reprit son travail avec soin.
Riffel ne s’attendait pas à ce que Corwin l’aide à se sécher. C’est donc avec surprise qu’il reçut la serviette sur la tête. Il ne se déroba pas pour autant, bien au contraire, il se laissa faire. Il commençait à avoir de plus en plus confiance en lui, c’est pourquoi il n’avait pas tenté de se soustraire à ses bons soins. Mais ce n’était pas pour autant qu’il allait lui obéir aveuglément. Bien au contraire, il était déterminé à réparer sa bêtise. Mais il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que le colonel était déjà sorti de la pièce. Le gamin réajusta un peu le pantalon qu’il portait encore avant que le Frozen ne revienne avec de quoi nettoyer les dégâts.
- Je vais vous aider…
Dit-il d’une voix faible tout en s’agenouillant à ses côtés pour prendre une serpillère et commencer à éponger. Les gestes du gamin étaient précis, rapides et assurés. Il n’avait pas peur de prendre une quelconque sanction car le colonel n’en avait jamais eu l’attitude. A eux deux, ils nettoyèrent rapidement la pièce qui, en dehors du linge qui séchait sur le bord de la baignoire, semblait n’avoir jamais été inondée. Durant leur labeur, Riffel n’avait fait aucun commentaire, ni sur l’absence d’avertissement du Frozen vis-à-vis de la possibilité de glisser, ni sur la lenteur appliquée que l’homme mettait à l’ouvrage comparé à lui. De son coté, rapide et précis afin de limiter l’impact de l’eau sur les meubles, Riffel ne témoigna pas non plus d’orgueil à savoir effectuer cette tâche. Visiblement, les deux hommes n’avaient pas eu le même passé malgré de grandes similitudes.
Riffel s’éclipsa alors pour se changer dans la chambre indiquée pour revenir avec le pantalon mouillé. Il trouva une place pour étendre le vêtement après avoir rangé un peu la pièce. A présent, on jurerai qu’une femme de ménage était passée par là. La salle de bain ainsi nettoyée et rangée, le gamin regagna la chambre qui lui était destinée. Elle était particulièrement spacieuse pour quelqu’un qui n’avait jamais eu de chambre individuelle ou s’était contenté d’un tronc d’arbre aménagé avec l’alchimie en guise de refuge nocturne. Cet espace était si impressionnant pour le jeune homme qu’il en ressorti rapidement pour rejoindre le Frozen.
- Mon colonel,… La… La chambre… Elle est trop grande…
Il vaiat bien eu, le temps d’une année, une chambre individuelle, mais elle s’apparentait bien plus à un placard qu’à une chambre. Elle était si petite qu’elle ne contenait qu’un lit et une table de nuit. Quant à la fenêtre, une petite trappe au-dessus du lit, tout juste assez grande pour laisser l’air passer, mais pas pour passer plus qu’un bras humain. Ici, c’était tout le contraire. Il y avait de quoi installer au moins trois lits et armoires composant le mobilier des soldats dans leurs dortoirs, et la fenêtre ressemblait bien plus à une porte qu’à une trappe. Riffel n’était pas à l’aise à l’idée de passer la nuit seul dans une pièce aussi grande.
Concentré sur sa tâche malgré la fatigue qui commençait à s'inviter aussi dans ses muscles, Corwin ne releva la tête que de temps en temps, observant Riffel qui tentait de l'aider comme il le pouvait. Il le remercia du regard et essorait ce qu'il tenait entre ses doigts pour continuer un peu plus loin. Après quelques longues minutes, la salle de bain était à nouveau propre et le Frozen rangea les linges avant de constaté qu'il était dans un piètre état. Autant dire que lui aussi allait devoir se mettre des affaires sèches. Tout en action, son médaillon pendait à son cou et finit par s'ouvrir à demi, révélant une photo pendant quelques minutes. S'en rendant compte, le Colonel le referma d'une main précise, tiquant un peu du coin de la bouche, avant de reprendre le travail. Lorsque le jeune garçon disparut pour allé se changer, Corwin quitta aussi la salle de bain pour se rendre dans sa propre chambre et attrapa un vieux t shirt ainsi qu'un pantalon de nuit. Se sentant plus au sec, il revint avec ce qui était mouillé pour l'étendre. Il en était à ce moment précis, quand Riffel réapparut dans son dos l'air plutôt ennuyer. Une expression qui ne manqua pas de lui faire froncer un peu des sourcils, dans l'incompréhension.. Jusqu'à ce que le gamin ne s'exprime véritablement.. Abandonnant sa tâche, le Colonel se retourna vers lui et secoua de la tête.
➽ Je n'ai rien de plus petit, elles font toute la même taille... C'est si problématique ?
Ne comprenant pas comment une chambre pouvait autant impressionnée. Il se rappelait que ses premières nuits en rentrant de la guerre, avaient cependant été des plus complexes. Déjà parce que tout était bien trop calme et que bien souvent il était sur le qui vive.. Ses cauchemars. Mais aussi cette sensation de fondre dans son lit.. Du coup, Corwin s'était résigné à dormi sur le sol, avant de réellement apprécier le confort d'un sommier. Yueh ne l'avait jamais disputé pour ça non plus. Se raclant la gorge, le jeune Colonel l'invita à quitter la salle de bain..
➽Tu préférais ne pas dormir seul ? Ça résoudrait un peu le souci ?
Essayant d'être conciliant. Dormir à plusieurs était commun pour des militaires après tout et si cela pouvait aider Riffel à prendre confiance, alors pourquoi pas ? Encore une fois, le Frozen retint un bâillement et c'était signe qu'il n'aura probablement pas d'insomnie ce soir. Une très bonne chose.. Peut être que le cuisine de Madame Judith y était pour quelque chose.. ainsi que la présence de sa famille, bien qu'incomplète. Il ne saurait le dire et préférait garder ça pour lui même. Quoi qu'il en soit, il rajouta de sa voix toujours aussi taciturne :
➽ça ne me dérange pas.
Histoire de couper un peu l'herbe sous les pieds de Riffel, afin qu'il ne s’ennuie pas lui dire qu'il ne voulait pas le déranger. Ce gosse avait vraiment besoin de base et de quelque chose de stable. Un peu comme lui par le passé, même si Corwin ne préférait pas spécialement s'ouvrir sur le sujet. Une fois de plus, cela lui rappelait une période plutôt compliqué et instinctivement, le Colonel porta la main sur son médaillon qui pendait par dessus son t shirt et le rangea à l'intérieur par la même occasion. Pendant une seconde ou deux, il se demanda si Riffel ne cachait pas un passé tout aussi foireux que lui... En plus sombre de par sa position d'orphelin. Mais il ne lui posera pas la question. L'heure en était au repos, pas à de la curiosité. De plus, cela serait certainement gênant pour le gamin.
Riffel cru que le sol allait s’effondrer sous lui en entendant la réponse de Corwin. Pas de chambre plus petite ? Cela voulait dire qu’il allait devoir être seul dans un lieu si grand ? Sans endroit où se cacher ? Enfin si, il y avait toujours sous le bureau ou sous le lit. Mais cela n’était pas convenable. Du moins c’était ce qu’on lui avait enseigné. La fatigue reprenait le dessus et il était au bord des larmes.
- N- Non… ça ne pose pas de problème…
Mais sa voix laissait entendre le contraire des paroles prononcées. Suivant le colonel hors de la salle de bain, il s’apprêtait à le contredire quand il lui demanda s’il ne préférait ne pas dormir seul. Il voulait lui indiquer que ça n’avait finalement pas d’importance. Qu’il ne voudrait pas le déranger pour ça. Mais il n’en eut pas le temps que le Frozen lui affirmait que ça ne le dérangeait pas. Pourtant dans la chambre, il n’y avait qu’un seul lit. Comment comptait-il arranger cela ? Ce n’était pas un problème en soit, puisque Riffel ne prenait jamais tout le lit pour dormir. Mais cela pouvait poser problème au colonel de partager le lit. Depuis qu’il avait rejoint la civilisation, on l’avait forcé à dormir sur un lit sans jamais se soucier de ce qu’il pouvait ressentir. Et tout le monde se fichait de comment il dormait tant qu’il restait sur ce rectangle mou. Il avait dû trouver une manière de s’installer qui ne changeait pas trop de ses habitudes. Mais de las à s’allonger de nouveau sur un lit comme quand il vivait à l’orphelinat. Il lui faudra un certain temps.
Accompagnée de Corwin, Riffel entra de nouveau dans la chambre qui lui était dédiée. En dehors du fait que le lit avait été fait par Corwin quelques heures plus tôt, rien ne laissait présumée qu’elle était occupée puisque le peu de biens que possédait le gamin était resté au salon. Tremblant malgré lui, il s’installa sur un bout du lit, serrant l’oreiller contre lui et passant la couverture au-dessus de lui, le gamin se roula en boule, laissant les trois quarts du lit pour le Frozen.
Corwin s'était donc changé pour la nuit et profita de la salle de bain pour faire un brin de toilette avant de rejoindre Riffel qui ne lui paraissait pas plus détendu que ça. Si bien que le jeune Frozen se demandait bien comment remédier à ce point précis. Il se pinça l'arête du nez pendant un instant, avant de regardé avec gravité le gamin qui venait de se rouler en boule dans le fond du lit avec l'oreiller bien contre lui. Une image très enfantine et qui ne collait pas tellement avec la fonction qu'occupait Riffel. Cependant, Corwin savait ce que c'était que d'avoir subit un traumatisme et il n'y avait que les idiots pour ne pas comprendre que leur existences possédaient parfois de lourdes cicatrices. Du coup, le Colonel se contenta de prendre un fauteuil qu'il tira un peu dans un coin plus tranquille.. et se déplaça vers l'armoire pour y prendre une petite couverture pour la nuit. Il ne faisait pas très chaud en ce mois d'hiver, mais l'atmosphère de la pièce restait agréable. C'était une maison de pierre, capable de parfaitement préserver la chaleur en cette période de l'année.. Un héritage précieux pour le Lieutenant-Colonel Halleck qui n'était malheureusement pas ici. Le silence tomba dans cette chambre et Corwin s'assit sur le fauteuil un petit temps... Peut être devait il prendre le problème d'une toute autre façon.
De là où il se tenait, il ne pouvait voir que la forme arrondi du gamin et sans doute qu'il ne dormait pas.. Son corps lui paraissait bien trop tendu pour ça en vérité. Se raclant la gorge, Corwin fit entendre une voix monocorde et plus ou moins basse, comme pour ne pas l'effrayer :
➽ Riffel... Est ce que je pourrais te poser une question... ?
Sans attendre une réelle réponse de sa part, notre jeune buse continua donc sur sa lancée.
➽ D'ordinaire tu dors comment ? Si tu te sens plus à l'aise autrement il ne faut pas hésiter.
Qu'il puisse au moins se reposer sans arrière pensée ni gène. S'il voulait dormir par terre par exemple, ça ne le dérangeait pas. Lui même pendant un temps, avait prit l'habitude en rentrant de la guerre de dormir ainsi, trouvant les matelas bien trop moue sur le moment. Cela lui avait pris quelques semaines avant de finalement reprendre le rythme d'un tel luxe. Oui, en temps de guerre, il est triste de penser que même un lit avait un goût de luxe... Dans la demande de Corwin, il n'y avait pas la moindre trace de moquerie. Notre Griffin cherchait juste à s'adapter pour qu'il cesse d'être un animal trop apeuré pour affirmer ce qu'il désirait vraiment. De plus c'était un jour de fête... Est ce que Riffel connaissait même ce principe que d'avoir un présent en ce genre de moment ? Une pensée qui le traversait alors qu'il attendait un moindre geste ou une parole de la part de celui qu'il venait de ramener au chaud. Yueh ne lui en voudrait pas, il n'en doutait même pas un instant de ce point là. Le Frozen avait simplement agit comme il le ferait avec n'importe qui. De plus ce gamin avait vraiment besoin de soutient et il se demandait bien ce qu'il fichait dans l'armée... Il avait l'air bien trop tendre pour ça... Si Corwin avait su garder son cœur avec la guerre.. Est ce que Riffel pourrait en faire de même à long terme ?
Quoi qu'on en dise Amestris vivait une grosse période de crise, calfeutré par les biens faits du généralissime..Mais tôt ou tard, les choses sérieuses éclateront et le Colonel ne voulait pas voir ce gosse en pâtir.
Enroulé sous la couverture, Riffel écoutait les bruits environnant. Aussi bien les bruits à l’intérieur de la maison, qu’à l’extérieur. Il entendait le bruit du vent, a moins que ce ne soit les cris de la bête. Dans la pièce, il entendit Corwin entrer et, s’attendait à le sentir s’installer sur le lit. Mais rien. Il n’osa pas pour autant regarder ce que faisait le colonel avant que celui-ci ne se mette à parler. Il se redressa et sortit la tête de sous la couverture. Le gamin s’apprêtait à acquiescer quand Corwin repris la parole.
- Au dortoir… Je dors comme ça… Enfin… Avec mes vêtement civils…
C’était la première fois depuis bien longtemps qu’il avait un pyjama pour dormir. Il devait bien avouer que cela lui avait terriblement manqué. Il s’avait très bien que le Frozen ne pourrait pas se contenter d’une réponse aussi courte. Il fallait un peu plus d’éléments.
- Avec mon maître… On ne pouvait pas avoir de pyjama… Ça prenait trop de place… Et puis on ne pouvait pas en acheter déjà que…
Il baissa la tête pour regarder ses pieds qui s’étaient retrouvé hors de la couverture lorsqu’il s’était redressé. Il se tortillait les orteils alors qu’on pouvait voir les traces d’anciennes coupures sous la plante des pieds. Riffel rentra ses pieds sous la couverture pour les cacher. Ces traces plus ses paroles laissaient donc entendre qu’il avait passé beaucoup de temps sur les routes sans beaucoup de moyens. Portant sans aucun doute des vêtements usagers qui ne le protégeaient plus vraiment, et laissant penser qu’il dormait nu. Il poursuivit ses explications.
- On lavait nos vêtements du jour dans une rivière puis on les laissait sécher toute la nuit pour les avoir le lendemain… Mais je suis mieux avec un pyjama…
Tout en maintenant la couverture autour de lui, il tenait toujours l’oreiller dans ses bras. Oui, il se sentait mieux avec un pyjama car cela mettait une couche de tissus supplémentaire sur son corps. Il s’en sentait mieux protégé. Mais surtout, le pyjama était fait d’un tissus plus souple que des vêtements de jours.
- Et on devait aussi se protéger des prédateurs la nuit… Alors mon maître nous faisait un petit abri dans un arbre avec son alchimie… Et je dormais contre lui… Je n’avais pas les rêves qui font peur quand je dormais avec lui…
Il y avait bien de quoi être surpris en entendant ces paroles. Avec des mots d’enfants, car finalement le jeune militaire n’avait pas vraiment grandi, il venait de dire qu’il avait pris l’habitude de dormir nu avec un homme alors qu’il était mineur à cette période. Même s’il ne s’était jamais rien passé, ce n’était peut-être pas facile à entendre et concevoir.
Pendant tout le temps où il avait raconté des brides de son histoire pour répondre à la question du colonel, le gamin n’avait eu de cesse de sursauter et de trembler chaque fois que le vent s’était engouffré dans les interstices des volets, laissant entendre une plainte sourde. Son regard apeuré s’était souvent attardé en direction de la fenêtre.
Assit dane le fauteuil, Corwin attendait une réaction de la forme roulée en boule dans le lit. La couverture bougea un peu et Riffel laissa entrevoir sa tête, le contemplant. Au fur et à mesure qu'il lui répondait, le Frozen étala un peu ses jambes devant lui et les croisa. C'était sa manière à lui de se détendre un minimum.. A dire vrai, il fatiguait lui aussi et la journée n'avait pas été courte. Il avait même encore le repas sur l'estomac.. et la tarte aux pommes aussi.. Inspirant lentement, le jeune homme leva une main pour se frotter le front, avant d'approuver e »n silence, hochant simplement un peu du chef, face à ses paroles. Les traces et les cicatrices ne lui échappèrent pas.. Ce qui accentuait le fait que ce gamin n'avait pas vécu beaucoup de bonnes choses durant son existence. Restant grave, Corwin se contentait d'écouter, fixant le bord du lit sans réellement le voir, plongé dans certaines réflexions.. Il ne redressa son regard que lorsque Riffel aborda le thème des nuits dehors , sous un abris de fortune... dormant avec un adulte sans le moindre fringues. Voila qui n'était pas commun et très glauque.. Ce type... pourquoi n'offrait il pas un toit à Riffel ? Pourquoi vivre à côté de la société.. Car c'était visible que le gosse était ignare de toute règle de société.. Une question qu'il garda pour lui en définitive. L'heure n'était plus aux questions.. Mais au repos.
➽ Ici personne ne viendra te surprendre dans ton sommeil ou te le voler. Donc tu peux dormir tranquillement comme tu veux. Moi je ne jugerais pas.
Retenant un petit bâillement tout ne s'étirant, il poursuivit de sa voix monocorde.
➽ Tu pourras garder les habits et le pyjama.. Si jamais tu n'as pas d'autre endroit ou dormir.. Cette chambre sera libre.
Au moins les choses semblaient clair pour Corwin. Riffel n'aurait plus à craindre de dormir dehors et se faire surprendre par le froid ou par un jour férié, comme c'était le cas actuellement. Attrapant sa couverture, Corwin l'installa sur lui et cala l’oreiller contre le rebord du fauteuil. Tournant son visage vers la fenêtre, il pouvait voir la neige continuer de tomber et étrangement, face à ce petit silence.. Ses pensées glissèrent sur le visage de Adair et de son invitation pour dans une ou deux semaines... Un opéra.. Une idée aussi surprenante que agréable. Depuis combien de temps n'en avait il pas vu un ?.. Depuis son départ à la guerre.. Ses sourcils se froncèrent un temps, avant de finalement reprendre un aspect plus placide... La chaleur de la couverture jouait parfaitement son rôle face à la tiédeur de la chambre. Cette maison de pierre isolait parfaitement en hiver comme en été. La lune éclairait faiblement par moment la pièce, quand elle se frayait un chemin à travers les nombreux nuages qui surplombait la ville.. Une atmosphère particulière et reposante, comme les appréciait Corwin secrètement. Tout ce qu'il voulait, c'était un sommeil sans rêve...
➽ Bonne nuit... Riffel..
En espérant qu'il finirait lui aussi par trouver le repos et sans se poser trop de question.. Le quartier était de base, très calme et sans histoire.
Riffel pris note de ce que lui disait le Frozen. Il le remercia pour les vêtements et le pyjama avant de lui souhaiter bonne nuit à son tour. L’appelant par son grade car il ignorait toujours le prénom de cet homme. Et de toute façon, le colonel ne lui a jamais dit de l’appeler différemment.
Comme à son habitude, le sommeil du gamin fut agité. Il se réveilla plusieurs fois en sursaut et finit par aller se blottir contre la chaine où dormait le Frozen, toujours en étant caché sous sa couverture et en tenant l’oreiller dans ses bras. Sa tête avait trouvé à se reposer sur la cuisse du frozen. Dès lors, le sommeil de Riffel se fit plus calme.
Le lendemain, il put prendre une bonne douche, évitant soigneusement la baignoire d’un bon mètre. Se rappelant de des propos de Corwin avant de dormir, il finit par lui avouer que sa « maison », soit l’orphelinat, n’était plus qu’une bâtisse en ruine, envahie par la végétation. Et que, si cela ne dérangeait pas, il aimerait rester ici pendant le restant de ses congés. Il était évident qu’un bâtiment ne devenait pas la proie de la végétation du jour au lendemain. Et même en admettant que Riffel l’ait quitté à 18 ans, en moins d’un an, ce prodige était impossible. Le gamin expliqua donc qu’il avait été contraint de quitter l’orphelinat vers l’âge de 8 ans, en évoquant brièvement qu’il était le seul rescapé de la tuerie qu’il s’y était déroulée. Il refusait de rentrer plus dans les détails pour le moment. En fuyant l’orphelinat, il raconta être tombé sur l’homme qui devint son maître et qui lui appris l’alchimie durant les 8 années qui suivirent. Il ne mentionna pas tout de ces huit ans, juste qu’ils ne restaient jamais plus de 48h au même endroit. Qu’ils évitaient au maximum la civilisation, sauf en cas de nécessité, mais surtout l’armée. Que c’était à cause du fait qu’il n’avait pas d’identité à ce moment. Son maître lui avait expliqué alors, que si les militaires le trouvaient, il serait mis en cage et jeté hors du pays. Et que dans les autres pays, on pourrait le tuer.
Bien sûr, la question de savoir où était ce maître à présent était légitime. Riffel répondit qu’après ces 8 ans d’apprentissage, son maitre l’avait confié à un ami en lui promettant de venir le chercher à sa majorité. Mais un problème s’était déclaré entre temps et qu’il avait dû partir sans attendre. Il termina son histoire simplifiée par sa rencontre avec le général Hawat qui avait retrouver son identité dans des archives de l’armée. Qu’apparemment, l’orphelinat où il était, appartenait à l’armée. Et que c’était suite à cette découverte et une longue discussion avec ce « gentil » général – car son maître lui avait expliqué que tous les militaires étaient méchants –, qu’il avait décidé de se présenter au prochain examen d’alchimiste d’Etat. Il ignorait tout du lien qu’il y avait entre les deux hommes, et surtout, à quel point ce lien était chaotique. Mais Riffel ne cacha pas toute la gratitude qu’il avait pour ce général.
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