Riffel s’était plongé corps et âme dans le dossier de la petite Alma Colbert. Une jeune femme de trois ans son aînée. Blonde comme la majorité des habitants de ce pays mais complexée par la couleur de sa peau. Dans le dossier médical, rien de particulier n’avait été noté. En face du mot « origine » se trouvait d’inscrit « Amestris ». Mais Riffel savait que cette réponse ne suffisait plus à la demoiselle. Avant de convoquer la jeune femme pour effectuer le prélèvement sanguin, il se renseigna sur les peuples frontaliers du pays. Il apprit alors toute la persécution subie par les Ishbal et leurs caractéristiques physiques, ainsi que leur élimination pure et simple de l’armée si les soldats présentaient, ne serait-ce, qu’un infime lien avec cette population. L’horreur de cette vérité le pétrifia un temps. Si sa patiente était concernée ? Comment pouvait-il vérifier sans la mettre en danger ?
Il ne savait pas s’il pouvait en parler à Jacob ou Adair et opta pour passer auprès d’une laborantine qui lui courrait après. Il lui mentit légèrement en disant qu’il s’agissait d’une patiente civile. La jeune femme accepta de rendre service à Riffel en échange d’une succession de rendez-vous. Bien que cela ne l’enchantait pas particulièrement, Riffel accepta. Ces sorties lui coutaient beaucoup. Aussi bien en argent qu’en énergie. Il n’avait pas oublié ce que lui avait dit Hugh, mais il retenait surtout l’enseignement de son maître. En d’autres termes, il s’était encore mis dans une situation particulièrement désagréable. D’autant plus que cette laborantine, pour se faire valoir auprès de ses rivales, avaient lancé ouvertement qu’elle sortait avec le docteur Hotchkiss. Bien sûr, ne comprenant pas signification exacte, Riffel n’avait pas démenti. La rumeur que Riffel avait une petite amie fit rapidement le tour de l’hôpital et commençait à atteindre le quartier général. Si la contrainte majoritaire de cette histoire forçait Riffel à sortir régulièrement avec cette femme, qui le tenait par le menace de le dénoncer de soigner une civile à l'insu de tous avec les moyens de l'armée, elle avait eu l’avantage de réduire le nombre de femmes qui lui tournaient autour. Réduire seulement, car certaines avaient vue qu’il n’était pas particulièrement heureux malgré ses efforts pour le masquer, à la demande de ladite petite amie. Le nouveau problème était peut-être pire que l’ancien. Et malgré ses efforts, l'échec était cuisant. La laborantine s'était jouée de lui.
Dépité, il fallait à présent à Riffel annoncer la nouvelle à la jeune femme. Il donna rendez-vous à Alma sur une place où se trouvait un petit kiosque. Il avait soigneusement choisi un jour de pluie afin d’être certain que personne ne viendrait les déranger. Le kiosque en question était loin de tout bosquet. Ainsi, personne ne pourrait se cacher à proximité. Les deux jeunes gens pourraient parler librement.
C’est donc munie d’un parapluie, en tenue civile que le jeune homme arriva dans le parc, prêt du kiosque. Alors qu’il s’apprêtait à rejoindre son interlocutrice, Riffel aperçut une grande silhouette fine, aux longs cheveux blonds, et coiffée d’un chapeau à bords large qui arborait des roses rouges. Le jeune homme en laissa tomber son parapluie pour s’approcher de cet homme en courant avant de lui sauter dans les bras. Riffel répondait joyeusement aux paroles et au sourire, quelque peu distant de cet homme. S’il n’était pas possible d’entendre ce qu’ils se disaient, il était évident qu’il existait une certaine complicité entre eux. Ou quelque chose qui s’en rapprochait. C’était ce qu’on pouvait penser si l’homme n’avait pas placé ses mains d’une manière peu conventionnelle autour des hanches du jeune homme et proche de ses lèvres. Il lui parlait dans le creux de l’oreille en affichant un sourire sadique alors que le corps de Riffel semblait répondre favorablement à ces contacts. Si Riffel n’avait pas paru si jeune, le consentement du jeune ne serait pas remis en cause, mais le tableau laissait fort à penser que cet homme exerçait une certaine influence sur lui. Une influence de longue date, à n’en pas douter.
L’homme s’écarta du jeune homme après lui avoir murmuré tout ce qu’il avait à lui dire. Il avait vu la jeune femme dans le kiosque et l’indiqua à Riffel qi se retourna pour la regarder. Le blond profita de cette distraction pour s’éloigner sans un regard pour celui qu’il abandonnait une nouvelle fois. Blessé, frustré, trempé, Riffel se rendit au point de rendez-vous. En chemin, il récupéra le parapluie qu’il avait abandonné pour rejoindre cet homme.
- Pardon pour ce contretemps…
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