Maes.«
Ça fait un bail, Roy. »
Oui, en effet, il y avait un petit moment que tu n'avais pas remis les pieds ici, la faute notamment à un agenda particulièrement chargé et à une santé plus que douteuse. Alors, les formalités sont échangées, Vanessa et Elizabeth t'agrippent le bras comme elles ont l'habitude de le faire. Vous engagez vaguement la conversation jusqu'à ce que Madame prenne une nouvelle fois la parole. «
Qu'est-ce que j'te sers ? » «
Un verre de Whisky devrait faire l'affaire, Madame. »
La soirée peut commencer.
Il est aux alentours de vingt-trois heures.Le Grand Roy Mustang, seul ? vraiment ?
Maes. Tu es là, seul et pensif, accoudé à ce bar que tu connais si bien. Mais il n'y a pas cette petite flamme qui t'anime d'ordinaire : tu es
silencieux, Roy, bien plus silencieux que tu ne l'es d'habitude lorsque tu rends visite à Madame Christmas et ses charmantes hôtesses.
« Je ferai tout ce qu'il faut pour être l'homme qu'elle aime. Je survivrai à cette guerre. » Tes doigts passent et repassent sur le bord du contenant de moyenne facture.
Maes. Tu as beau faire, le temps n'y change rien. Tu n'as pas pour habitude de t'apitoyer sur ton sort, Roy, mais cette période est particulièrement difficile pour toi. Si en temps normal tu aurais jalousement noyé tes états d'âme chez toi, dans ton appartement, tu as cette fois-ci ressenti le besoin de le faire ailleurs, de t'aérer. Combien tu donnerais pour le revoir ? Enormément. Mais tu sais bien mieux que quiconque qu'une vie prise ne peut être redonnée — ce n'est pas faute d'avoir pensé à passer le cap à un moment, tout comme l'ont fait les frères Elric, pourtant. Si tu as pensé à passé l'arme à gauche suite à cet évènement ? bien entendu, ça t'a effleuré l'esprit. Mais Maes ne l'aurait pas permis, pas après avoir réussi à te faire remonter la pente suite à Ishval.
« Si tu espères un jour pouvoir protéger tout le monde... Tu devras trouver un moyen de te tenir au sommet de la pyramide » ils sont nombreux à compter sur toi, tu n'as pas le droit, notamment, de
la blesser à nouveau.
La montre à gousset d'AE
termine dans ta main droite.
Tu effleures le boîtier du bout des doigts avant de l'ouvrir.Te voilà encore plus pensif maintenant.
Deux années. Deux années sont passées et tu n'as toujours pas mis la main sur l'assassin de ton meilleur ami. Deux années que la gamine est privée de son père, que sa femme est veuve. Tu réentends ses gémissements, revois la scène de l'enterrement. Deux années finalement sans grands résultats, mais avec bon nombre de frustrations à la clef. Deux années que tu cours après des chimères, dans tous les sens du terme. Oh oui, bien entendu qu'il s'en est passé des choses en
deux années...
mais tu n'étais pas là.Bien plus qu'un meilleur ami, il était comme un grand frère pour toi.
Mais il n'y a pas que ça, non. Les évènements de ces dernières semaines te retournent en vérité un peu l'estomac, bien que tu n'en montres rien, d'ordinaire. Ces allers-retours à l'hôpital qui t'agacent —
comment ai-je pu me montrer aussi médiocre ? Le taux de malades qui ne cesse de croître suite à la fuite du laboratoire. La survivance ((et fuite)) de Kimblee —
il faudra bien l'annoncer à Corwin. Ce ne sont que des exemples parmi tant d'autres ratés. Tu as horreur que la situation te glisse entre les doigts et vu comme ça, tout te claque entre les pattes ces temps-ci.
Tu n'es pas faible, Roy, non, loin de là même, mais il faut parfois savoir lâcher prise et faute est de constater que pour toi, ce moment... c'est maintenant.
C'est ton cinquième verre de la soirée, en solo.
«
Tu devrais lever le pied ou tu risques de ne plus tenir debout. »
Elle te sort de ta torpeur. C'est un conseil avisé qui ne vient pas de n'importe qui et que tu sais recevoir... mais qui entre par une oreille et qui ressort par l'autre, pour le coup. De toute façon, tu sais très bien que ça fait déjà belle lurette que tu n'es plus capable, justement, de tenir debout.
Seul un riquiqui sourire trahit ta pensée. Tu ne devrais pourtant pas fanfaronner autant, car étant toujours sous traitement (merci fichue mission), tu n'aurais même pas dû toucher à une seule goutte d'alcool. Et si d'ordinaire tu es fort précautionneux quant aux médicaments, tu n'en as cure actuellement. Ce n'est qu'un moment à traverser, une passade qu'il convient d'exorciser. As-tu seulement pensé à ce que dirait et ferait Hawkeye si elle te trouvait dans cet état ? pourquoi se poser la question étant donné que ce n'est pas le cas, hum. Et de toute façon, tu n'es pas en service.
Si tu bois, ce n'est pas juste pour boire, mais pour oublier.
Tu as besoin de légèreté, d'une paix intérieure illusoire.
Et cet effet lénitif, tu le sais, seul l'alcool peut te le procurer.
Ne serait-ce que pour ce soir.
Autant dire qu'il n'est pas coutume de te trouver éméché, encore moins dans
ce bar. «
Pourquoi cette humeur ? On t'a posé un lapin ? » demande t-elle, tout en balayant la salle du regard, cigarette au bec. Il faut entendre ici un
où-est-donc-passée-ta-superbe-Roy ? Aussi alcoolisé sois-tu, tu sais combien ça la démangeait, combien elle a temporisé avant de te poser cette question. Tu la connais bien, Chris Mustang.
Si encore ce n'était qu'un lapin... Un soupir de lassitude t'échappe. «
Le mois d'avril me donne le cafard. Je n'attendais personne ce soir. »
personne. Un miracle que tu arrives encore à aligner des mots qui ont une logique entre eux et qui peuvent constituer une phrase. Oui, tu es bourré Roy, mais tu l'es avec classe et dignité.
Tu lui adresses un maigre sourire de façade jusqu'à ce que l'image de Maes te revienne en tête. «
Hum, ouais, c'est pas la forme. Et si tu passais un peu de bon temps avec Vanessa ? elle vient justement de se libérer. »
Deux années déjà.
Comme le temps passe vite, Maes. «
Roy ? »
Incroyable de voir comme le cerveau turbine malgré les verres d'alcool.
«
Rentre chez toi. »
QG de Central — jeudi 16 avril ; 10:15
Le réveil fut pour le moins... difficile : tu avais oublié combien les lendemains de cuite sont traitres. Oh, la jolie gueule de bois ! Mais pas question de faire une grasse matinée ou de t'autoriser un retard, non, tu es sur le pied de guerre comme il se doit. La douche fraîche et longue est des plus salvatrices, mais ne suffit pas à faire se dissiper les relents d'alcool ainsi que le brouillard mental : vraiment, Roy, tu en tiens une bonne.
À quoi est-ce que ça t'avance de te beurrer comme ça, alors que tu sais très bien que tu es de service le lendemain ? Ce n'est pas toi.
Le brossage de dents est très minutieux : tu ne voudrais pas que l'on te sente arriver à des miles à la ronde sur une haleine à base de Whisky. Un café pour dégriser pleinement ? et puis quoi encore ? tu détestes le café. On t'a déjà venté les vertus de la caféine, notamment pour contrer la gueule de bois, mais rien que l'idée d'ingurgiter la moindre goutte de ce breuvage te retourne les tripes.
Non, vraiment.
Une tasse de thé et beaucoup d'eau devraient faire l'affaire.((est-ce que le sel mélangé au thé permet aussi de dégriser ?))
Tu fixes les documents qui sont devant toi sans totalement réussir à les déchiffrer, plissant parfois-même les yeux pour obtenir un résultat plus convenable, moins flou.
Tu n'as de cesse de te frotter les mirettes. Ouais, le moins que l'on puisse dire, c'est que tu n'as franchement pas fière allure, mais tu ne peux t'en vouloir qu'à toi-même, hum. Au pire, il va falloir que tu fasses toute ta journée comme ça. Au mieux, tu trouveras bien un moment pour faire une micro-sieste, à l'abri des regards outranciers de Hawkeye — même si pour cela il faut que tu te rendes aux toilettes pour pioncer sur la cuvette baissée ; tous les plans sont bon pour glander. Mais bon, ce n'est pas encore le bon moment, tu sens
son regard qui glisse sur toi.
Tu espères malgré tout que ça ne se voit pas trop.
((c'est bien mal la connaître))
«
Vous n'avez pas l'air bien, Général. »
«
Hum. »
Discrète grimace. Loupé.Tu ne relèves pas pour autant la tête de ton papier. «
Je vous conseille de rentrer chez vous et de vous reposer. » c'est assez amusant de voir qu'elle t'encourage à cesser ton activité pour aujourd'hui... quand on sait qu'elle est normalement la première à te pousser dans l'enfer des dossiers.
Tu lui réponds donc, du tac au tac. «
J'ai beaucoup à faire et un rendez-vous que je ne peux me permettre de décaler. » et tu n'as pas non plus envie de trouver le double de la pile qu'il y a déjà à traiter, demain sur ton bureau. Tu aimerais lui verbaliser cette pensée, mais le simple fait de penser à une répartie digne de ce nom te donne mal au crâne. Ton ton se fait sec, mais
elle sait que ce n'est pas contre elle : elle te connaît mieux que quiconque et bien des détails n'ont pas dû échapper à son oeil expert. Et puis elle sait aussi très bien quelle période nous sommes, inutile de la prendre pour ce qu'elle n'est pas.
«
Comme vous voudrez, Général. »
Elle disparait de ton champ visuel et referme la porte derrière elle.
C'est le moment précis que tu choisis pour
lâcher le stylo et te laisser aller dans le fond de ton siège, passant une main dans ces cheveux que tu n'as pas brossés ce matin.
Tu finis par croiser les bras. Ah, la douce tentation de se laisser porter par cette tête si lourde qui ne demande qu'à trouver du réconfort sur un oreiller bien moelleux et frais...
Tu fermes les yeux quelques secondes — enfin, en fait pendant plusieurs minutes.
Comme c'est agréable. Mais le repos n'est que de courte durée, car lorsque la porte s'ouvre et émet un grincement significatif, tu as
un petit sursaut qui te ramène à la dure réalité.
Hein ? «
Bonjour mon Général, j'espère que votre jambe ne vous fait plus autant souffrir. » il faut un peu de temps pour que toutes les connexions se fassent — tu en viens même à
t'en pincer le pont du nez —, mais quand c'est chose faite et que
tes mains touchent le bois du bureau, tu te rends compte que...
«
Colonel Griffin. »
Tu as un air solennel comme il se doit, accompagné du fameux salut militaire. Ta jambe ? Les nouvelles vont vite ici-bas. «
Elle fait encore un peu des siennes, mais ma foi, ça semble être en bonne voie. »
tu jettes un regard à la douloureuse et en reviens enfin à Corwin. «
Venons-en aux faits. Que me vaut votre visite non-programmée, Colonel ? » bien entendu que tu as énormément de choses à lui communiquer, mais tu sais mieux que quiconque qu'ici les murs ont des oreilles et que certaines choses méritent d'être dites de façon détournée. «
Cela dit, vous tombez bien. »
je comptais te voir d'ici peu pour échanger avec toi.«
Installez-vous. »
Il faut y aller petit à petit et tenter de retrouver contenance, Roy.
Tes yeux s'arrêtent sur les deux tasses de café.Alors tu te demandes s'il compte officiellement entreprendre une manoeuvre pour te convertir à la caféine ? s'il a décidé de prendre deux tasses d'avance pour lui ? si la seconde était destinée à un tiers autre ? ou s'il s'agit tout simplement là d'une maladresse de sa part ? Décidément, tu ne comprendras jamais l'attrait qu'a Corwin pour cette boisson marronée qui donne, en plus, une haleine des plus désagréables.
«
Je vois que les bonnes habitudes ne se perdent pas. De l'obstination, peut-être ? » que tu lui lances, affichant un fin sourire qui se veut malin. Mais attention, car comme le dit l'adage : qui fait le malin, tombe dans le ravin.
Faire illusion, tu sais faire par contre.