Le combat entre l’unité d’intervention et ces dissidents de Creta étaient enfin finis. J’avais cru un moment que l’action du grand soldat allait tout faire capoter. J’avais déjà vu cet homme plus d’une fois à West City. Depuis ma désertion, j’avais appris qu’il n’était pas mieux qu’un coursier pour le Général Carver. Mais le voir en intervention militaire avec Corwin, c’était agréable à voir.

J’avais décidé de ne pas me mêler de cette affaire. J’avais eu l’envie mais mon second, l’ex-Colonel Mitchell m’avait déconseillé. En faisant cela, j’aurais révélé ma présence à l’armée et j’aurais été traqué. Mais, et c’est surtout cette raison qui m’avait retenu, m’impliquer aurait donné, au moins en partie, raison à Carver et cela il en était hors de question. En parlant de mon successeur, le voilà qui débarquait comme une fleur avec une petite armée… Et notamment un véhicule de transport pénitencier. Le petit arriviste. Il venait récolter les lauriers de Corwin et son équipe. Je le regardai depuis l’ombre où je restai. Je le vis saluer et féliciter chacun d’eux, puis il passa à une personne en qui j’avais totalement confiance.
"Major Fletcher, mes félicitations pour cette incroyable mission réussie. Vous êtes du bois des meilleurs de notre pays. Je ferais mon possible pour qu’une médaille vous soit décernée. Mais dites-moi, pourrais-je vous parler dans un endroit plus… discret ?"
Cette dernière phrase sonnait bien plus comme un ordre. Je le sentais mal. Heureusement, il se dirigea vers une zone où personne ne nous verra, même si je me dévoilai.

Une fois dans un coin calme à l’abri des regards indiscrets, il changea d’attitude. Il devint froid et hautain. Il parla d’une voix autoritaire.
"Bien. Maintenant, vous allez me dire où se trouve le traître. Je sais que vous travaillez pour lui."
Cet homme me donnait la gerbe. Mais comment avait-il su ? J’observai pour le moment. Je savais Adair capable de se défendre.

by Didi Farl pour Never-Utopia

De mon observatoire, je regardai la scène entre l’Aube et le Général Carver. L’homme était, comme à sa fidèle habitude, obsédé par moi et mon arrestation, sauf qu’au vu du nombre de mes partisans, même au sein de son entourage proche, et ce malgré sa purge, il ne risquait pas de me mettre la main dessus. Il avait complètement changé. Il était passé du chef militaire arriviste et mielleux à un fou furieux avec des responsabilités de dingue.

Adair réagit parfaitement et son discours m’aurait paru convaincant, si je ne la savais pas dans notre camp. Carver, quant à lui, eut une réaction approchant de loin la folie. Il s’approcha et empoigna violemment Adair. Rien que pour cette atteinte physique, il pourrait écoper de lourdes sanctions mais son état actuel allait l’envoyer longtemps au frais, pour peu qu’Adair la joue fine. Sa voix était encore plus impérieuse avec cet acte.
"Ne me prenez pas pour un imbécile. Mes espions ont découvert votre petit manège. Dites-moi où se trouve Brewster et sa petite clique de rebelles, sinon, vous allez le payer cher."
Je savais que le major médical pourrait s’en sortir si elle le faisait correctement. Malgré cela, je ne pouvais pas laisser Carver agir ainsi. Je me décidai à intervenir, il voulait trouver Brewster, il allait savoir qui était Percival Arthur Brewster. Une épée de pierre à la main, je plaquai, tout en sortant doucement des ombres, la pointe de la lame contre la gorge de Carver. Ma voix était froide, voire glaciale.
"Vous avez tout intérêt à lâcher immédiatement cette jeune femme."
Le tuer ne me faisait nullement peur. Je savais que de toute façon, Adair serait capable de donner une indication de ma fuite pour garder encore sa couverture. Le regard d’un Carver surpris, il ne m’attendait pas là, ici et maintenant, surtout avec autant de militaires dans le coin. Toujours sous le coup de la surprise, il lâcha Adair et recula avant de buter sur une pierre. Ce qui lui valut de tomber sur les fesses. Puis se tournant en courant presque à quatre pattes, il s’enfuit. La scène était comique à souhait, mais on n’avait peu de temps. Déjà il se mettait à hurler. Il hurlait en allant vers ses hommes que le Traître était là. Avec un sourire, je regardai la jeune femme.
"Tu tiens là une bonne occasion de le faire enfermer. Pense à venir nous voir au QG, on prépare la dernière offensive et cette fois-ci, le Colonel Griffin ne me bloquera pas le chemin. J’ai besoin de tes lumières, s’il te plaît. Je n’étais pas là."
Après mes mots, je disparus dans les ombres, mais je restai à portée de vue, pour voir la scène. De mon perchoir, Carver revenait en trombe avec quatre soldats. On allait rire.

En arrivant dans son coin, il resta sans bouger. Il ne voyait qu’Adair. Il s’approcha et il dit d’un ton ferme.
"Par où s’est-il enfui ? Par où Brewster a-t-il fui ? Répondez !"
Même ses hommes commençaient à douter.

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Avec la réaction du gouverneur Carver, je devais réagir, je n’aurais pu laisser l’une de mes partisanes se faire maltraiter pour des convictions que nous avons. J’avais donc agi, peut-être précipitamment. J’avais toujours été ainsi, il y a des choses qui ne changent pas avec l’âge ou l’expérience. Voir fuir celui qui avait succédé à ma gouvernance à quatre pattes m’avait fait rire, mais intérieurement, je ne pouvais me permettre de rire de cet homme devant mes sympathisants, cela aurait donné une piètre opinion de moi-même.

Après l’altercation avec le Général que je souhaitais faire passer pour fou, j’avais filé dans l’ombre dans le but de me cacher et permettre à Adair de mettre le régisseur de l’ouest hors d’état de nuire. Les soldats avaient suivi un peu sceptique le Général. En effet, il semblait peu probable au vu du lieu qu’un rebelle, d’autant plus leur chef, de se trouver présentement ici. Mais ils avaient suivi. La réaction quasiment hystérique du Général et la réponse posée de mon alliée fit d’autant plus douter ses hommes de la véracité de ces dires. L’un d’entre eux questionna calmement, un peu hésitant.
"Pardonnez ma question, Major, mais vous n’avez vu personne durant votre entrevue avec le Général ?"
"Sergent, il était là. Il ne doit pas être loin ! Fouillez les alentours ! c’est un ordre !"
Malgré ses réticences, le sergent envoya deux de ses hommes fouiller le coin, mais tous semblaient douter. Déjà que les attaques subies sur plusieurs villes avaient été imputé aux hommes de Brewster, lui qui n’avait jamais agi avec violence sur les civils. Certains, dont ce sergent n’avait pas oublié à quel point, il avait été capable de passer pour un traître en essayant de chasser le monstre qui régnait sur Amestris. Mais là, il lui semblait que Carver perdait définitivement pied avec la réalité.

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